Jacques Villeglé

« La vie d’un artiste doit commencer par la flânerie. » Jacques Villeglé 

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Jacques Mahé de La Villeglé, dit  Jacques Villeglé, est né à Quimper en 1926. Il sera élève, section sculpture, de l’Ecole des Beaux-Arts de Rennes où il fait la connaissance de Raymond Hains qu’il suivra désormais dans ses démarches. De 1947 à 1949, il étudiera l’architecture à Nantes, puis, s’installe à Paris. D’abord collecteur d’objets sur les plages de - Saint-Malo notamment - (fils d’acier, déchets du mur de l’Atlantique, …), objets avec lesquels il conçoit des sculptures, l’artiste devient dès 1949 collecteur d’affiches lacérées ; il se dénomme alors « affichiste » et proclame la « guérilla des signes »

Au début des années 50, le jeune homme fréquente les lettristes dissidents (Bull Dog Brau, Guy Debord et Gil Wolman). Villeglé rencontre le poète lettriste François Dufrêne en 1954. En 1958, il rédige une mise au point sur les affiches lacérées intitulée « Des Réalités collectives », préfiguration du manifeste du Nouveau Réalisme. En 1960, après leur participation commune à la première Biennale de Paris, Jacques Villeglé adhère au groupe des Nouveaux réalistes dont il est un des membres fondateurs (Martial Raysse, Yves Klein, Arman,Tinguely, Hains, Dufrêne, Spoerri) ; ce mouvement décrète de « nouvelles approches perceptives du réel » et s’ancre, pour Villeglé, dans un art qui se veut non technique et proche de ce que l’on trouve dans la rue. Il arrache des affiches lacérées par le temps et des mains anonymes, entrevoyant la partie qui, en elles, constitue une œuvre d’art naturelle. Il change ainsi leur statut. Il continuera dans cette voie, à partir de 1969, avec les cryptogrammes socio-politiques, graffitis de murs dont il fait un alphabet et des textes.

L’artiste vit et travaille à Paris et à Saint-Malo.

En 2008, le Centre Pompidou accueillait la première grande rétrospective française, La Comédie urbaine, consacrée à Jacques Villeglé, surtout connu pour ses affiches lacérées et marouflées sur toile. On le retrouve, quatre ans plus tard, dans le lieu d’art contemporain de Saint-Gratien (95) qui porte d’ailleurs son nom, avec des sculptures, un art que Villeglé avait mis de côté pendant des dizaines d’années. En effet, sa première œuvre (1947), Chaussée des corsaires (Saint-Malo) est une sculpture en fils d’acier qui pourrait bien avoir anticipé toute sa démarche à venir d’appropriation du réel. Dans les années 2000, l’artiste se rapproche à nouveau de ce moyen d’expression. « La sculpture est arrivée dans mon œuvre du fait des circonstances de de la vie, témoignait Villeglé en 2008. Bien entendu, à partir des années 80, beaucoup d’artistes se sont tournés vers la sculpture car les techniques nouvelles ont pu suppléer à leur manque d’éducation dans cette discipline. Cela me plaît de faire des sculptures, on n’a pas besoin de passer aux Beaux-Arts pour en faire. C’est la nique à toute l’éducation traditionnelle. » 
À plus de 80 ans, Villeglé reste l’homme libre et réfractaire qu’il a toujours été. On le voit ainsi dans sa série des ¥ € $ de toutes tailles, symboliques de notre époque boursière-financière, dont un exemplaire trône au milieu du parc du château Catinat, tout près du Lieu d’art contemporain de Saint-Gratien. Car Villeglé, depuis toujours et encore plus depuis son invention d’un « alphabet socio-politique » vers 1969, a toujours joué avec les lettres finissant par inventer sa propre typographie ; une nouvelle écriture du monde que l’on retrouve dans l’exposition de ses alphabets en fonte. « L’artiste superpose les signes, analyse Carine Roma-Clément, commissaire de l’exposition, s’approprie des textes mais se positionne toujours du côté de l’image. En effet, le déchiffrage des textes et leur presque illisibilité sont une volonté de l’artiste, ils donnent tout son sens à son œuvre. C’est ce non-décryptage qui conditionne le passage du lecteur de texte au spectateur de l’œuvre. » Avec la sculpture des mots « art » et « star », cet artiste, figure majeure du Nouveau Réalisme dans les années 1960, se livre à d’autres expériences symboliques tandis qu’il fait subir à un abribus des assauts graphiques inaccoutumés. « Jacques Villeglé dessine dans l’espace », conclut Carine Roma-Clément. 
Jean-Michel Masqué

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